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Densité et intensité urbaine

5' de lecture - publié le 16 juin 2022

Le sujet de la densité fait l’objet de nombreuses discussions. D’une part, les citadins voient leurs villes se densifier lorsqu’on remplace les petits bâtiments par des plus grands, lorsqu’on comble les espaces vides etc. D’autre part, le renouvellement à l’intérieur de la ville est nécessaire et, comme nous le lirons dans cet article, les villes les plus denses sont parfois les plus vivables.

Nous allons explorer ensemble ce que peut être la juste densité, et comment construire dense et désirable. Nous nous pencherons également sur la manière dont des situations gagnant-gagnant peuvent être mises en oeuvre tant pour les constructeurs que pour les pouvoirs publics et les habitants.

Pour une revue rapide des innovations liées à la densité et l'intensité, vous pouvez cliquer ici.

Introduction
Ce qu'est la densité et pourquoi elle ne nous dit pas tout

Avant toute chose, rappelons-nous ce qu’est la densité. Il s’agit de la taille de la population qui occupe une portion de terrain. Les mesures le plus couramment utilisées en urbanisme et immobilier sont 1. le nombre de logements par hectare, ou 2. la population par kilomètre carré.

Malheureusement, la densité est souvent mal comprise. Elle est par exemple régulièrement associée à la hauteur des bâtiments, ce qui est une erreur. Concrètement, lorsqu’on mesure la densité d’habitants, Paris est 3 fois plus dense que New York et Barcelone est 2,5 fois plus dense que Tokyo.

Density

Manille

46'178 hab/km2

Bombay

20'680 hab/km2

Paris

20'545 hab/km2

Barcelone

16'576 hab/km2

NYC

7'250 hab/km2

Tokyo

6'511 hab/km2

Densité de certaines villes en nombre d'habitants par kilomètre carré, source Wikipedia 2022

De la densité à l'intensité, l'ajout de la qualité

Imaginez-vous faire un pique-nique dans un parc en plein été, au bord de l’eau et à l’ombre d’un grand arbre. Vous n'êtes pas les seuls à profiter de ce moment agréable, d’autres personnes autour de vous font pareil. Maintenant, imaginez la même chose: un pique-nique, dans un espace vert de même surface, avec le même nombre de personnes autour de vous, mais il s’agit d’une aire d’autoroute. Le moment est tout à coup moins agréable. Pourtant, il s’agit de la même densité de personnes.

En résumé, la densité reflète une quantité et jamais une qualité. Pourtant à l'échelle de l'habitant, c'est la qualité qui va faire en sorte qu'il se sente bien dans un lieu. C'est là que la notion d'intensité urbaine intervient. L’intensité urbaine est la densité à laquelle on ajoute une dimension qualitative en prenant en compte l’expérience de l’usager (1). Elle ne se décrète pas, c’est un résultat de projet auquel on souhaite aboutir.

L’intensité urbaine nait de la capacité à produire des rencontres dans la ville, des événements quotidiens dans un espace donné. Quelle que soit l'échelle du projet, lorsqu’on le pense au prisme de l’intensité urbaine, on est amenés à mettre l’expérience de l’usager au coeur des préoccupations. On est alors capables de produire une ville dense et désirable: une situation gagnant-gagnant claire pour les promoteurs, les autorités et les habitants.

Intensity
Quelques exemples concrets de projets pensés pour l'intensité urbaine

Que se passe-t’il lorsqu’on ajoute des immeubles de logements dans un quartier d’affaires? Le quartier prend vie, au lieu d'être animé de 8h à 20h les jours de semaine, il est vivant tous les jours et à toute heure. C’est ce qui est fait à La Défense à Paris avec l'îlot 19. Les habitants et employés vont se croiser, dans un espace d’intensité urbaine. De même, la programmation mixte de l'école de Saunalahti intensifie l’usage du bâtiment, qui est ouvert après l'école et le week-end comme salle de quartier. Ce lieu devient un espace de rencontres pour le nouveau quartier.

Le bar DeDakkas à Haarlem est installé sur le toit d’un parking, il offre ainsi une vue imprenable sur la ville et permet d’intensifier l’usage du bâtiment. Le parking ne s’adresse plus uniquement aux automobilistes. Enfin, un projet de construction dans les espaces résiduels de la Défense est en cours à Paris. Cela viendra diversifier les usages dans le quartier et créer davantage de rencontres, le rendant plus agréable à vivre pour ses habitants et ses travailleurs.

Dans leurs politiques publiques liées à l’aménagement, les villes mettent elles aussi l’expérience usager au coeur de leurs préoccupations. Avec ses Superblocks, Barcelone décide ainsi d’exclure la voiture de certaines parties de la ville dense. De cette manière, elle la rend agréable à vivre et crée des espaces de rencontre. A Londres, la ligne directrice “Healthy Streets” guide tous les acteurs pour la construction d’un espace public agréable à vivre à l'échelle du piéton. Là encore, l’espace public redevient le lieu des rencontres.

Projects
Construire dense et désirable: comment créer une situation gagnant-gagnant pour le promoteur, la ville et le citadin

Pour construire dense et désirable, il appartient donc aux développeurs de projets ainsi qu’aux autorités de créer les conditions de l’intensité urbaine.

En ville, l'îlot haussmannien typique de Paris a été identifié comme l’une des formes les plus denses au monde. Pourtant, cette morphologie est très peu remise en cause par ceux qui y vivent. Deux qualités constructives principales ont permis à ces immeuble de traverser les années:

  • les bâtiments sont peu profonds (7 à 13 mètres), ce qui permet la double ou triple orientation des logements;

  • la grande hauteur sous plafond (3 mètres minimum) permet de mieux faire entrer la lumière et l’aération naturelles, et de varier les usages des lieux entre logement et activité au fil des années.

 

De plus, dans ces îlots les vides n’entourent pas les bâtiments mais sont enserrés par les immeubles pour créer des cours et courettes. L’intimité de ces espaces biscornus est parfaitement adaptée à l'échelle du piéton et, lorsqu’elles ont une surface suffisante, les cours intérieures pourraient être reliées à l’espace public. Cela créerait de nouveaux lieux de rencontre en coeur d'îlot. C’est ce que le bureau d’architectes New Yorkais ODA explore dans son projet “Beyond the Street”. Quand on le leur explique de la bonne manière, comme le fait ODA, les villes et les habitants seraient dans bien des cas favorables à construire un ou deux étages supplémentaires pour gagner un espace public de qualité.

En travaillant sur l’optimisation des espaces à l’intérieur des logements, on peut produire des îlots denses tout en préservant la qualité des habitations. Ainsi, le promoteur français Cogedim s’est engagé à optimiser ses appartements, notamment en créant des coins bureaux avec seulement 2 ou 3 mètres carrés. Des micro-appartements peuvent aussi être imaginés, pour tirer parti des surfaces résiduelles. Ces appartements doivent être dessinés et meublés sur mesure pour rester agréables à vivre.

On peut profiter des tissus de ville moins peuplés pour réaliser le rêve ultime des citadins: vivre dans une maison individuelle en ville. C’est ce qu’ont fait les architectes Bouillaud et Donnadieu à la plaine Méo à Lille, avec 57 maisons individuelles construites sur l’ancienne friche. Le travail des demi-hauteurs et des remblais permet de limiter le vis-à-vis car dans ces configurations, les espaces extérieurs privés sont cruciaux pour une bonne qualité de vie. Les conditions de l’intensité urbaine sont posées, et la densité est alors bien vécue.

Dans les régions périurbaines, la méthode de projet BIMBY (pour “build in my backyard”) importée de l’Amérique du Nord porte déjà ses fruits en Europe. En France, c’est l’entreprise Ville Vivantes qui développe entièrement ce processus. Leur méthode de projet en concertation avec les habitants permet aux communes périurbaines de densifier leur territoire sans oppositions virulentes. Là encore, la densification est acceptée parce que les usagers sont mis au centre de la réflexion. Ils envisagent eux-mêmes la densification de leur parcelle, avec l’aide d'un architecte mis à disposition par la commune.

Toujours dans les régions périurbaines ou de banlieue proche, des projets mixtes peuvent aisément voir le jour. Ces projets créent à eux seuls les conditions de l’intensité urbaine. C’est le cas de la maison en co-housing Blue House à Detroit, qui permet à plusieurs foyers de vivre sur un terrain où un seul aurait été traditionnellement logé. Le projet Factory Roof Houses à Oudenaarde crée de l’intensité urbaine différemment, en ajoutant des logements sur le toit d’une halle de stockage de bois en zone artisanale. La dérogation a été obtenue auprès des pouvoirs publics, car cette zone est située à proximité du centre ville et est donc adaptée pour des logements.

What to build ?

Tous ces projets créent de l’intensité urbaine. Ils s’agit de constructions denses, rentables pour les promoteurs, voulues par les pouvoirs publics, et désirables pour les citadins. Parce qu’on a mis l’expérience des usagers au coeur du développement, chacun est gagnant.

(1) Flora Charmeau, De la densité à l'intensité urbaine: étude de cas sur Toulouse, 5 novembre 2015.

 

Autres ressources: 

Demain la ville, Et si on parlait de densité urbaine ?, 9 octobre 2017.

Le Monde, L'urbanisme du Paris d'Haussmann, modèle pour la ville durable ?, 1 février 2017

Géoconfluences, Densité, consulté en juin 2021

Notes & sources
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